Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/140

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fourneaux, deux silhouettes étranges, le torse nu, se courbaient en chancelant et brandissaient deux pelles.

— « Eh là ! on a de l’air plus qu’il n’en faut maintenant » hurla le second mécanicien, qui semblait n’avoir attendu que l’arrivée de Jukes pour éclater.

L’homme chargé de la machine auxiliaire, un petit homme souple et remuant, au teint éblouissant, à la moustache fine et décolorée, travaillait dans une sorte d’extase muette. On maintenait les machines sous toute pression, et, un grondement profond comme celui d’un fourgon vide roulant sur un pont, formait une basse soutenue dans le concert des autres bruits.

— « On doit continuellement laisser échapper la vapeur », continua à hurler le second.

L’orifice d’un ventilateur, avec le bruit d’un millier de casserolles qu’on récure, lui cracha sur les épaules un jet soudain d’eau salée, à quoi il répondit par une volée d’imprécations, une malédiction collective où même il englobait son âme, divagant comme un fou tout en vaquant à sa