Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/152

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passa au travers du groupe, brutalement. Sans dire un mot, il jaillit en avant. Une nouvelle grappe de coolies s’était formée, accrochée à l’échelle ; ceux-ci luttaient à mort comme précédemment pour forcer le panneau condamné qui leur eût donné accès sur le pont. Comme précédemment, la grappe se détacha, et Jukes disparut absorbé sous elle comme un homme surpris par un éboulement. Le maître d’équipage hurla, très excité :

— « Arrivez ! sortez le second de là ! Il va être piétiné, écrasé ! »

Ils chargèrent, piétinant à leur tour des torses, des doigts, des visages, s’empêtrant dans des tas de vêtements, repoussant du pied des débris de bois, mais, avant qu’ils pussent s’emparer de Jukes, celui-ci, se dégageant, émergea jusqu’à la ceinture d’entre la multitude des mains crispées. Au moment même où l’équipage l’avait perdu de vue, tous les boutons de sa veste avaient sauté ; le dos de la veste avait été fendu jusqu’au col ; son gilet éclaté de haut en bas. La masse centrale des combattants roula vers l’autre bord, sombre,