Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/153

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indistincte, impuissante, et lançant des regards sauvages qui luisaient à la faible clarté des lampes.

— « Laissez-moi — nom de Dieu ! Je ne suis pas mort ! » cria Jukes d’une voix perçante. « Poussez-les à l’avant. Guettez le moment où le navire tanguera. À l’avant. Poussez-les contre la cloison. Écrasez-les. »

La ruée des marins dans l’entrepont en fermentation, fit l’effet d’un baquet d’eau froide dans un chaudron bouillonnant. Le tumulte fléchit d’abord. La masse effervescente des Chinois formait un magma si compact qu’il ne fut pas malaisé pour les matelots, en se tenant ferme par les bras et à la faveur d’un formidable plongeon du navire, de les repousser d’un seul élan et de les appliquer en bloc contre la paroi arrière. Derrière leurs dos, quelques petits grapillons d’hommes et des corps isolés ballotaient encore.

Le maître d’équipage accomplit de véritables prodiges. De ses grands bras tout ouverts et tenant un étançon dans chacune de ses robustes pattes, il arrêta la ruée de sept Chinois enlacés qui rou-