Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/155

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cimens individuels arrachés au magma s’abandonnaient, flasques comme des loques ; quelques-uns tirés à l’écart et traînés par les pieds, demeuraient inertes, pareils à des cadavres, les yeux fixes et grands ouverts. Par instants, l’un d’eux se jetait à genoux, faisait mine de demander grâce ; et plusieurs que la terreur avait affolés, un coup de poing bien appliqué entre les deux yeux les faisait s’affaisser et tenir tranquilles. Il y en avait de blessés, qu’on maniait sans précaution, mais qui supportaient cela sans se plaindre, avec simplement un battement spasmodique des paupières.

Des visages ruisselaient de sang ; sur les crânes rasés apparaissaient des écorchures, des plaies vives, des meurtrissures, des déchirures et des entailles. La porcelaine brisée échappée des coffres était en majeure partie responsable de ces dernières. Ça et là un Chinois, aux yeux égarés, à la tresse dénattée, soignait son pied sanglant.

On était enfin parvenu à les réduire et à les confiner, rangés côte à côte, après les