Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/164

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rattrapa. « Quelle épave ! » ajouta-t-il tout bas.

— « Ce n’est pas encore fini » acquiesça le capitaine à mi-voix… « Surveillez un instant, n’est-ce pas…

— Vous allez quitter le pont, capitaine ? » demanda Jukes anxieusement, comme si l’orage n’attendait que le départ du capitaine pour foncer sur le navire.

Il le contempla, ce navire battu, solitaire, qui faisait effort dans un décor sauvage de montagnes d’eau noire éclairées par les lueurs des mondes lointains ; qui avançait lentement, rejetant, au cœur muet de l’ouragan, l’excès de sa force, en un blanc nuage de vapeur — et la vibration profonde de l’échappement semblait l’inquiet barrissement d’une créature marine, impatiente de reprendre le combat. Brusquement cela cessa. L’air tranquille gémit. Jukes, au-dessus de sa tête vit scintiller quelques étoiles au fond d’un gouffre de nuées. Au-dessous de ce puits étoilé, les nuages d’encre formant margelle surplombaient directement le navire. Les étoiles lui semblaient le regarder avec une