Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/86

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de là se forma ; et Jukes commença de s’escrimer des bras et des jambes. Dès les premiers efforts, il découvrit qu’il était empêtré et comme mélangé avec le suroît, les bottes et le visage, de quelqu’un. Il s’agrippa férocement à chacun de ces objets tour à tour, les lâcha, les ressaisit, les reperdit encore, et finalement fut enlacé lui-même par une paire de robustes bras. Il étreignit en retour étroitement un gros corps solide. Il avait retrouvé son capitaine.

Tous deux carambolèrent de conserve sans desserrer l’embrassement. Soudain l’eau qui se retirait les laissa brutalement retomber, échoués contre les parois de la timonerie, tout meurtris et sans plus de souffle ; ils se relevèrent en chancelant et s’accrochèrent à quoi ils purent.

Jukes sortait de là plutôt scandalisé, comme s’il venait d’essuyer quelque mystérieux outrage, un outrage à ses sentiments. Sa confiance en lui-même demeurait ébranlée. Il se mit à crier, vers l’homme qu’il sentait à ses côtés, dans ces ténèbres hostiles, à crier désespérément :