Page:Conrad - Typhon, trad. Gide, 1918.djvu/97

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filet de voix solitaire mais qui semblait elle-même étrangère à l’espérance ou à la crainte ; puis s’égrenèrent des mots sans suite : « Vaisseau… ça… jamais… en tout cas… pour le mieux. »

Jukes y renonçait. Mais il se fit alors une sorte de renforcement dans la sonorité, comme si la voix eût enfin découvert le moyen de s’opposer à la tempête, de sorte que les derniers lambeaux de phrase parvinrent un peu plus distincts :

— « Continuer… constructeurs… braves gens… courir la chance… aux machines… Rout… un brave homme. »

Puis Jukes sentit se relâcher l’étreinte du capitaine, qui cessa donc d’exister pour lui, car il était impossible d’y rien voir. Après le roidissement extrême de tous ses muscles, tout en lui maintenant se détendait et retombait. Il éprouvait une extraordinaire envie de dormir, concuremment à un malaise des plus pénibles ; il se sentait comme harcelé, comme bourrelé de sommeil. Le vent avait eu raison de sa tête ; même il tâchait à la lui arracher des épaules ; ses vêtements emplis d’eau,