Page:Considérations sur la France.djvu/75

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dérations, nous sommes continuellement assaillis par le tableau si fatigant des innocens qui périssent avec les coupables. Mais, sans nous enfoncer dans cette question qui tient à tout ce qu’il y a de plus profond, on peut la considérer seulement dans son rapport avec le dogme universel, et aussi ancien que le monde, de la réversibilité des douleurs de l’innocence au profit des coupables.

Ce fut de ce dogme, ce me semble, que les anciens dérivèrent l’usage des sacrifices qu’ils pratiquèrent dans tout l’univers, et qu’ils jugeoient utiles non-seulement aux vivans, mais encore aux morts[1] : usage typique que l’habitude nous fait envisager sans étonnement, mais dont il n’est pas moins difficile d’atteindre la racine.

Les dévouemens, si fameux dans l’antiquité, tenoient encore au même dogme. Decius avoit la foi que le sacrifice de sa vie

  1. Ils sacrifioient, au pied de la lettre, pour le repos des âmes ; et ces sacrifices, dit Platon, sont d’une grande efficace, à ce que disent des villes entières, et les poètes enfans des dieux, et les prophètes inspirés par les dieux. Plato, de Republica, lib. II.