Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/175

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vera de donner aux discussions le caractère qu’elles doivent prendre. Les ministres discuteront eux-mêmes les décrets nécessaires à l’administration ; ils apporteront des connaissances de fait que l’exercice seul du gouvernement peut donner. L’opposition ne paraîtra pas une hostilité, la persistance ne dégénérera pas en obstination. Le gouvernement, cédant aux objections raisonnables, amendera les propositions sanctionnées, expliquera les rédactions obscures. L’autorité pourra, sans être compromise, rendre un juste hommage à la raison, et se défendre elle-même par les armes du raisonnement.

Toutefois nos assemblées n’atteindront le degré de perfection, dont le système représentatif est susceptible, que lorsque les ministres, au lieu d’y assister comme ministres, en seront membres eux-mêmes par l’élection nationale. C’était une grande erreur de nos constitutions précédentes, que cette incompatibilité établie entre le ministère et la représentation.

Lorsque les représentants du peuple ne peuvent jamais participer au pouvoir, il est à craindre qu’ils ne le regardent comme leur ennemi naturel. Si au contraire les ministres peuvent être pris dans le sein des assemblées, les ambitieux ne dirigeront leurs efforts que contre les hommes, et respecteront l’institution. Les attaques ne portant que sur les individus seront moins dangereuses pour l’ensemble. Nul ne voudra briser un instrument dont il pourra conquérir l’usage, et tel qui chercherait à diminuer la force du pouvoir exécutif, si cette force devait toujours lui rester étrangère, la ménagera, si elle peut devenir un jour sa propriété.

Nous en voyons l’exemple en Angleterre. Les ennemis du ministère contemplent dans son pouvoir leur force et leur autorité future ; l’opposition épargne les