Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/178

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tion populaire, proprement dite, n’a jamais existé parmi nous.

Dès l’introduction de la représentation dans nos institutions politiques, l’on a redouté l’intervention du peuple, l’on a créé des assemblées électorales, et ces assemblées électorales ont dénaturé les effets de l’élection. Les gouvernements dans lesquels le peuple est de quelque chose seraient le triomphe de la médiocrité sans une sorte d’électricité morale, dont la nature a doué les hommes comme pour assurer la domination du génie. Plus les assemblées sont nombreuses, plus cette électricité est puissante ; et comme, lorsqu’il est question d’élire, il est utile qu’elle dirige les choix, les assemblées chargées de la nomination des représentants du peuple doivent être aussi nombreuses que cela est compatible avec le bon ordre. En Angleterre, les candidats, du haut d’une tribune, au milieu d’une place publique, ou d’une plaine couverte de peuple, haranguent les électeurs qui les environnent. Dans nos assemblées électorales, le nombre était restreint, les formes sévères, un silence rigoureux était prescrit. Aucune question ne se présentait qui pût remuer les âmes et subjuguer momentanément les prétentions individuelles et l’égoïsme de localité. Nul entraînement n’était possible. Or, les hommes vulgaires ne sont justes que lorsqu’ils sont entraînés ; ils ne sont entraînés que lorsque, réunis en foule, ils agissent et réagissent les uns sur les autres. Les assemblées électorales favorisaient, par leur organisation, l’envie et la nullité[1]. Sans doute on a toujours

  1. Les colléges électoraux établis par Bonaparte avaient tous les inconvénients des anciennes assemblées électorales, et n’avaient pas même le faible avantage d’être émanés comme elles d’une source populaire. Ces assemblées, créées à l’instant où les nominations devaient avoir lieu, pouvaient être considérées comme représentant