Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/203

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son caissier par un homme à lui, je serais fou, moi, citoyen, de faire examiner la gestion des ministres par des hommes à eux. Seconde règle : je ne nommerai pas les obligés ou les dépendants des ministres pour les surveiller.

J’ai connu un homme qui donnait à son intendant le cinq pour cent de la dépense de sa maison. Il chargea cet intendant de réduire sa dépense. L’intendant le promit et n’en fit rien, parce que chaque réduction aurait proportionnellement diminué son salaire. Je ne chargerai point du vote, et par conséquent de la réduction des impôts, ceux qui sont d’autant mieux payés que les impôts sont plus forts.

Je n’ai pas oublié que lorsque la révolution éclata, ce qu’on appelait les lettres de cachet et la Bastille avait monté les têtes : c’était une manière d’arrêter et de détenir les gens sans les juger. Cette manière d’agir a donc été encore une cause ou un prétexte de la révolution. On me dit qu’arrêter et détenir les gens sans les juger, c’est ce qu’on nomme la suspension de la liberté individuelle. Je ne nommerai point de partisans de cette suspension, parce que je ne veux pas que les têtes se montent.

Depuis 1792 jusqu’en 1814 inclusivement, j’ai vu bien des gouvernements s’établir sur ma tête. On m’a dit chaque fois qu’il fallait leur accorder tout ce qu’ils demandaient, pour arriver à un temps tranquille, où on leur reprendrait ce qu’on leur aurait accordé ! On m’a répété cela surtout sous Bonaparte, et j’en ai été dupe. Je prenais pour des révolutionnaires tous ceux qui parlaient contre les mesures de l’autorité ; et quand MM. tels et tels, dans l’assemblée qui eut un instant la faculté de parler[1], nous prédisaient de grands mal-

  1. Le tribunat.