Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/247

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À mesure que le gouvernement parviendra, par ses efforts soutenus, à réparer les maux de nos agitations prolongées, l’on se trouvera, pour la richesse individuelle, plus voisin de la situation où l’on était en 1788. Or, à cette époque, malgré la censure et toutes les surveillances, la France était inondée de brochures prohibées. Comment la même chose n’arriverait-elle pas aujourd’hui ? Certainement les restrictions qu’on veut imposer à la liberté de la presse ne seront pas, après les promesses du monarque, plus sévères qu’elles ne l’étaient quand on proscrivait Bélisaire et qu’on décrétait l’abbé Raynal de prise de corps ; et si le gouvernement ancien, avec l’usage autorisé de l’arbitraire, n’a rien pu empêcher, notre gouvernement constitutionnel, scrupuleux observateur des engagements qu’il a contractés, n’atteindrait pas, avec des moyens cent fois plus restreints, un but que des moyens illimités n’ont jamais pu atteindre. On se tromperait également, si l’on espérait que les brochures illicites, étant imprimées dans l’étranger, n’arriveraient la plupart du temps en France, qu’après l’époque où elles auraient pu faire du mal. Il y aurait des imprimeries clandestines au sein de Paris même. Il y en avait jadis : elles n’ont cessé que sous le despotisme qui s’est exercé successivement au nom de tous et au nom d’un seul : sous une autorité limitée, elles renaîtront. Des peines modérées seront impuissantes, des peines excessives impossibles.

J’invoquerais avec confiance le témoignage de ceux qui, depuis deux mois, sont chargés de cette partie de l’administration, qu’on rend si épineuse, quand elle pourrait être si simple ; je l’invoquerais, dis-je, avec confiance, si ces dépositaires de l’autorité pouvaient s’expliquer dans leur propre cause. Ils diraient tous, d’après leur expérience, qu’en fait de liberté de la presse,