Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/347

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Il ne décrétait, ne promulguait point de lois. Il se contentait d’émettre des recommandations aux assemblées provinciales, qui étaient libres de ne pas s’y conformer. Rien de sa part n’était coercitif. Il fut néanmoins plus cordialement obéi qu’aucun gouvernement de l’Europe. Je ne cite pas ce fait comme modèle, mais comme exemple.

Je n’hésite pas à le dire : il faut introduire dans notre administration intérieure beaucoup de fédéralisme, mais un fédéralisme différent de celui qu’on a connu jusqu’ici.

L’on a nommé fédéralisme une association de gouvernements qui avaient conservé leur indépendance mutuelle, et ne tenaient ensemble que par des liens politiques extérieurs. Cette institution est singulièrement vicieuse. Les États fédérés réclament d’une part sur les individus ou les portions de leur territoire une juridiction qu’ils ne devraient point avoir, et de l’autre ils prétendent conserver à l’égard du pouvoir central une indépendance qui ne doit pas exister. Ainsi le fédéralisme est compatible, tantôt avec le despotisme dans l’intérieur, et tantôt à l’extérieur avec l’anarchie.

La constitution intérieure d’un État et ses relations extérieures sont intimement liées. Il est absurde de vouloir les séparer, et de soumettre les secondes à la suprématie du lien fédéral, en laissant à la première une indépendance complète. Un individu prêt à entrer en société avec d’autres individus, a le droit, l’intérêt et le devoir de prendre des informations sur leur vie privée, parce que de leur vie privée dépend l’exécution de leurs engagements à son égard. De même une société qui veut se réunir avec une autre société, a le droit, le devoir et l’intérêt de s’informer de sa constitution intérieure. Il doit même s’établir entre elles une influence réci-