Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/353

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tements. Règle générale : attachez aux fonctions publiques des salaires qui entourent de considération ceux qui les occupent, ou rendez-les tout à fait gratuites. Les représentants du peuple, qui sont en évidence et qui peuvent espérer la gloire, n’ont pas besoin d’être payés : mais les fonctions de juges ne sont pas de nature à être exercées gratuitement, et toute fonction qui a besoin d’un salaire est méprisée, si ce salaire est très-modique. Diminuez le nombre des juges ; assignez-leur des arrondissements qu’ils parcourent, et donnez-leur des appointements considérables.

L’inamovibilité des juges ne suffirait pas pour entourer l’innocence des sauvegardes qu’elle a le droit de réclamer, si à ces juges inamovibles on ne joignait l’institution des jurés, cette institution si calomniée, et pourtant si bienfaisante, malgré les imperfections dont on n’a pu encore l’affranchir entièrement.

Je sais qu’on attaque parmi nous l’institution des jurés par des raisonnements tirés du défaut de zèle, de l’ignorance, de l’insouciance, de la frivolité françaises. Ce n’est pas l’institution, c’est la nation qu’on accuse. Mais qui ne voit qu’une institution peut, dans ses premiers temps, paraître peu convenable à une nation, en raison du peu d’habitude, et devenir convenable et salutaire, si elle est bonne intrinsèquement, parce que la nation acquiert, par l’institution même, la capacité qu’elle n’avait pas ? Je répugnerai toujours à croire une nation insouciante sur le premier de ses intérêts, sur l’administration de la justice et sur la garantie adonner à l’innocence accusée.

Les Français, dit un adversaire du juré, celui de tous peut-être dont l’ouvrage a produit contre cette institution l’impression la plus profonde[1], les Français n’auront

  1. M. Gach, président d’un tribunal de première instance dans le département du Lot.