Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/406

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loppement de ses plus belles et de ses plus grandes facultés. Elle lui ouvre un trésor de précieuses jouissances. Elle le forme à la grandeur d’âme, à l’adresse, au sang-froid, au courage, au mépris de la mort, sans lequel il ne peut jamais se répondre qu’il ne commettra pas toutes les lâchetés et bientôt tous les crimes. La guerre lui enseigne des dévouements héroïques, et lui fait contracter des amitiés sublimes. Elle l’unit de liens plus étroits, d’une part à sa patrie, et de l’autre à ses compagnons d’armes. Elle fait succéder à de nobles entreprises de nobles loisirs. Mais tous ces avantages de la guerre tiennent à une condition indispensable, c’est qu’elle soit le résultat naturel de la situation et de l’esprit national des peuples.

Car je ne parle point ici d’une nation attaquée, et qui défend son indépendance. Nul doute que cette nation ne puisse réunir à l’ardeur guerrière les plus hautes vertus : ou plutôt cette ardeur guerrière est elle-même de toutes les vertus la plus haute. Mais il ne s’agit pas alors de la guerre proprement dite, il s’agit de la défense légitime, c’est-à-dire du patriotisme, de l’amour de la justice, de toutes les affections nobles et sacrées.

Un peuple qui, sans être appelé à la défense de ses foyers, est porté par sa situation ou son caractère national à des expéditions belliqueuses et à des conquêtes, peut encore allier à l’esprit guerrier la simplicité des mœurs, le dédain pour le luxe, la générosité, la loyauté, la fidélité aux engagements, le respect pour l’ennemi courageux, la pitié même, et les ménagements pour l’ennemi subjugué. Nous voyons dans l’Histoire ancienne et dans les Annales du moyen âge, ces qualités briller chez plusieurs nations, dont la guerre faisait l’occupation presque habituelle.

Mais la situation présente des peuples européens per-