Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/41

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à tous les pouvoirs. Il ne suffit pas que les agents de l’exécution aient besoin d’invoquer l’autorisation du législateur, il faut que le législateur ne puisse autoriser leur action que dans leur sphère légitime. C’est peu que le pouvoir exécutif n’ait pas le droit d’agir sans le concours d’une loi, si l’on ne met pas de bornes à ce concours, si l’on ne déclare pas qu’il est des objets sur lesquels le législateur n’a pas le droit de faire une loi, ou en d’autres termes que la souveraineté est limitée, et qu’il y a des volontés que ni le peuple, ni ses délégués, n’ont le droit d’avoir.

C’est là ce qu’il faut déclarer, c’est la vérité importante, le principe éternel qu’il faut établir.

Aucune autorité sur la terre n’est illimitée, ni celle du peuple, ni celle des hommes qui se disent ses représentants, ni celle des rois, à quelque titre qu’ils règnent, ni celle de la loi, qui, n’étant que l’expression de la volonté du peuple ou du prince, suivant la forme du gouvernement, doit être circonscrite dans les mêmes bornes que l’autorité dont elle émane.

Les citoyens possèdent des droits individuels indépendants de toute autorité sociale ou politique, et toute autorité qui viole ces droits devient illégitime. Les droits des citoyens sont la liberté individuelle, la liberté religieuse, la liberté d’opinion, dans laquelle est comprise sa publicité, la jouissance de la propriété, la garantie contre tout arbitraire. Aucune autorité ne peut porter atteinte à ces droits, sans déchirer son propre titre.

La souveraineté du peuple n’étant pas illimitée, et sa volonté ne suffisant point pour légitimer tout ce qu’il veut, l’autorité de la loi, qui n’est autre chose que l’expression vraie ou supposée de cette volonté, n’est pas non plus sans bornes.