Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/42

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Nous devons au repos public beaucoup de sacrifices ; nous nous rendrions coupables aux yeux de la morale, si, par un attachement trop inflexible à nos droits, nous résistions à toutes les lois qui nous sembleraient leur porter atteinte ; mais aucun devoir ne nous lie envers ces lois prétendues, dont l’influence corruptrice menace les plus nobles parties de notre existence, envers ces lois qui non-seulement restreignent nos libertés légitimes, mais nous commandent des actions contraires à ces principes éternels de justice et de pitié que l’homme ne peut cesser d’observer sans dégrader et démentir sa nature.

Aussi longtemps qu’une loi, bien que mauvaise, ne tend pas à nous dépraver, aussi longtemps que les empiétements de l’autorité n’exigent que des sacrifices qui ne nous rendent ni vils, ni féroces, nous y pouvons souscrire. Nous ne transigeons que pour nous. Mais si la loi nous prescrivait de fouler aux pieds ou nos affections ou nos devoirs ; si, sous le prétexte d’un dévouement gigantesque et factice, pour ce qu’elle appellerait tour à tour monarchie ou république, elle nous interdisait la fidélité à nos amis malheureux ; si elle nous commandait la perfidie envers nos alliés, ou même la persécution contre des ennemis vaincus, anathème à la rédaction d’injustices et de crimes couverte ainsi du nom de loi.

Un devoir positif, général, sans restriction, toutes les fois qu’une loi paraît injuste, c’est de ne pas s’en rendre l’exécuteur. Cette force d’inertie n’entraîne ni bouleversements, ni révolutions, ni désordres.

Rien ne justifie l’homme qui prête son assistance à la loi qu’il croit inique.

La terreur n’est pas une excuse plus valable que toutes les autres passions infâmes. Malheur à ces instru-