Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/61

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L’on a prétendu qu’en Angleterre le pouvoir royal n’était point aussi positivement distingué du pouvoir ministériel. L’on a cité une conjoncture où la volonté personnelle du souverain l’avait emporté sur celle de ses ministres, en refusant de faire participer les catholiques aux privilèges de ses autres sujets. Mais ici deux choses sont confondues, le droit de maintenir ce qui existe, droit qui appartient nécessairement au pouvoir royal, et qui le constitue, comme je l’affirme, autorité neutre et préservatrice, et le droit de proposer l’établissement de ce qui n’existe pas encore, droit qui appartient au pouvoir ministériel.

Dans la circonstance indiquée, il n’était question que de maintenir ce qui existait, car les lois contre les catholiques sont en pleine vigueur, bien que l’exécution en soit adoucie[1]. Or, aucune loi ne peut être abrogée sans la participation du pouvoir royal. Je n’examine pas si, dans le cas particulier, l’exercice de ce pouvoir a été bon ou mauvais ; je regrette que des scrupules respectables, puisqu’ils tiennent à la conscience, mais erronés en principe et funestes en application, aient engagé le roi d’Angleterre à maintenir des mesures vexatoires et intolérantes ; mais il s’agit seulement ici de prouver qu’en les maintenant, le pouvoir royal n’est pas sorti de ses bornes : et, pour nous en convaincre surabondamment, renversons l’hypothèse, et supposons que ces lois contre les catholiques n’eussent pas existé. La volonté personnelle du monarque n’aurait pu obliger aucun ministre à les proposer, et j’ose affirmer que, de nos jours, le roi d’Angleterre ne trouverait pas un

  1. On sait que ces lois ont été abrogées en 1829, sous le ministère du duc de Wellington et de sir Robert Peel.
    (Note de M. Laboulaye.)