Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/91

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l’Église ; toutes les pompes religieuses ont entouré son trône. Il semblait y avoir dans son élévation quelque chose de surnaturel ; tous les sophismes de l’esprit se sont mis à son service, à commencer par le catéchisme, et à finir par les harangues académiques. Les productions de mille écrivains se sont remplies de dissertations d’une bassesse naïve sur le devoir d’obéissance implicite et sur le mystère de l’autorité : quel a été le résultat de tous ces efforts ? L’heure décisive est venue ; et, dans cette nation assermentée et endoctrinée depuis douze ans, pas une voix ne s’est élevée, pour rappeler une profession de foi politique, commentée et amplifiée par tant de rhéteurs infatigables, inculquée à une jeunesse docile, et mille fois jurée par un peuple immense, avec toutes les apparences de l’enthousiasme. C’est que les arguments sur lesquels cette profession de foi repose prouvent trop, ou ne prouvent rien. Ils prouvent trop, si on les établit dans toute leur rigueur, car ils invalident alors la légitimité de toute famille qui s’est élevée aux dépens d’une autre. Ils ne prouvent rien, si on les plie aux circonstances, car alors la source de la légitimité ne sera autre que la force, et la forée appartient à qui s’en saisit.

J’admets deux sortes de légitimité : l’une positive qui provient d’une élection libre, l’autre tacite, qui repose sur l’hérédité ; et j’ajoute que l’hérédité est légitime puisque les habitudes qu’elle fait naître et les avantages qu’elle procure lui rendent le vœu national. Celle qui provient de l’élection est la plus séduisante en théorie ; mais elle a l’inconvénient de pouvoir être contrefaite : elle l’a été en Angleterre par Cromwell ; elle l’a été en France par Buonaparte.

L’histoire ne nous offre guère que deux exemples, où l’élection portant sur un seul homme, et substituée à