Page:Constant - Œuvres politiques, 1874.djvu/93

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Anne et de Georges Ier, ces monarques furent sur la défensive contre une théorie de despotisme qui aurait tourné contre eux. Ils se virent obligés à faire ressortir les dangers de cette théorie. Si les principes de l’obéissance étaient favorables à la puissance du roi, comme roi, les principes de la liberté étaient favorables à la sûreté du roi, comme individu. La reine Anne se crut intéressée à poursuivre Sacheverel, qui avait prêché la doctrine de la soumission implicite et du droit divin. L’influence de la couronne contribua, de la sorte, à former l’esprit public à la liberté.

Cependant, voyez, même dans cette partie importante de l’histoire anglaise, qui renferme ses dernières révolutions depuis 1640, la tendance du peuple à préférer la légitimité héréditaire. À peine Cromwell est-il mort, que les Anglais rappellent les Stuarts avec des transports de joie. Ils aiment à leur prouver de l’attachement, à leur témoigner du repentir, à les entourer d’une confiance sans bornes ; et ce n’est qu’après une seconde et terrible expérience, après avoir vu les actes arbitraires reproduits et multipliés, les propriétés envahies, les jugements annulés, les citoyens frappés de sentences illégales, la liberté de la presse foulée aux pieds, en un mot, toutes les promesses enfreintes, toutes les garanties sociales violées, que la nation britannique se détermine à écarter derechef la ligne directe, et à se contenter de la légitimité que son vœu confie à un nouveau souverain. C’est bien une preuve que l’hérédité a du charme pour les peuples, et qu’ils sont heureux quand ils peuvent, sans trop d’inconvénients, lui rester fidèles !

Me trouvant, par cette explication, d’accord, à ce que je pense, avec ceux qui n’ont censuré mes opinions que parce que je ne les avais développées qu’en partie, il me resterait à répondre à ceux qui me reprochent d’a-