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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/46

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certes aide à soigner, à guérir les blessures, même quand je les plains et que j’y prends part. Anna, ne dites pas que je vous joue : quel mot affreux et injuste. Ah ! je le répète, si je ne mettais pas à votre bonheur une importance sans bornes, qui me dicterait cette lettre qui peut tourner contre moi ? Je vous posséderais au jour le jour, et certes il me serait bien plus doux de vous voir dans mes bras, perdue dans une ivresse sans mélange, que de soulever des réflexions qui peuvent vous détacher. Votre ligne de conduite est tracée. Si je ne pensais pas que la dépendance dans laquelle on veut vous tenir, ne peut vous rendre heureuse, je ne vous dirais pas de rompre. Mais ma conviction profonde, indépendante de tout intérêt personnel, est qu’il vous faut une existence assurée, au-dessus des tracasseries d’un esprit aigre et étroit qui vous tyrannise. Cette indépendance, vous ne pouvez, vous ne voulez la tenir que de ce qui vous est dû. C’est donc là que vous devez tendre, et tout ce qui peut y nuire ou la retarder, tout ce qui peut en rendre le motif douteux, doit momentanément disparaître. Tant de raison, direz-vous, n’est pas compatible avec l’amour. Vous avez tort, cette raison est compatible avec un sentiment éclairé par l’expérience, et avec une véritable moralité. Vous méritez d’être heureuse, et libre et indépendante, et vous le serez. Vous ne le