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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/52

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fuir, j’en avais formé le projet avant qu’on eût éclaté. Mais cesser de vous voir, qu’un homme, quel qu’il soit, puisse me forcer à vous éloigner de moi, cette idée me révolte. En vous aimant, je n’ai trompé personne… je ne dois qu’à moi de taire le secret de notre union, parce que vous l’avez laissée sans excuse. On dit que vous m’avez affichée, que votre amie a parlé de moi comme d’une personne qu’elle vous passait. Je ne croyais pas ces bruits odieux, mais c’est pour vous avoir aimé qu’on cherche à m’avilir ! Il faut finir cette lettre trop longue, qui dit si peu, qui dit si mal, tout ce que j’éprouve. C’est un éternel adieu que je vous fais. Partout je vous éviterai, je demanderai à tout le monde, de ne jamais prononcer ce nom, que j’ai prononcé pendant quelque temps avec tant d’amour et d’orgueil ! Je ne sais quand je reviendrai, je ne sais ce que je vais devenir, je frémis des jours non encore écoulés. Moi, grands Dieux ! qui dévorais les heures qui nous séparaient, je ne vous verrai plus !… Je vous supplie de ne pas m’écrire : laissez se fermer mes profondes, mes douloureuses blessures. Puissiez-vous, Benjamin, ne jamais regretter mon amour !… Vous m’avez fait bien du mal, et moi je vous souhaite tout le bonheur dont je suis pour jamais privée. Je crains, hélas, que vous ne soyez dans une fausse route pour le chercher.