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Page:Constant - Adolphe (Extraits de la correspondance), 1960.djvu/73

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est encore donné de bonheur. Mais le puis-je ? n’ai-je pas fait déjà mille sacrifices surnaturels ? Ne suis-je pas parti sans t’écrire ? n’ai-je pas laissé s’enfuir, inutiles, plusieurs occasions de te voir ? Qu’as-tu gagné à ce que je perdais ? Ange de charme et d’amour, tu es née pour m’aimer, et quelque absurde scrupule que nous écoutions, tous les deux, nous n’échapperons pas à cette destinée. Prends-en donc le bonheur comme le tourment. Moi, je ne suis entraîné que vers toi sur la terre : et certes je ne puis me charger de combattre toujours le besoin du bonheur. Que parles-tu d’impardonnables rechutes : il n’y a d’impardonnable que de me rendre malheureux et de n’être pas heureuse. Oh ! replongeons-nous dans cette mer de délices, qui a si longtemps absorbé notre existence ! reviens au bonheur, au plaisir, au délire ! L’avenir s’arrange toujours. Si tu pouvais, il serait bien facilement arrangé. Tu ne le peux, tes enfants t’imposent des ménagements sévères. Sois juste envers eux, mais ne sois pas cruelle pour toi-même et pour moi. Est-ce mon sentiment qui ne te satisfait pas ? ne vois-tu pas que ce sentiment est exclusif, qu’il survit à tout ? Ne vois-tu pas que je ne renais à la vie que pour toi ? Que la société, la conversation, la politique, le mouvement de l’esprit, tout est fini pour moi hors ta présence ? Ange bien-aimé, je reprends à la vie. Je te