Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

en attendant dans la cour que Denbigh eût fait ses adieux à la famille.

Émilie voyait toujours arriver avec le plus vif plaisir le moment de l’excursion annuelle qu’elle faisait avec sa famille à Benfield-Lodge ; elle aimait son oncle, elle en était tendrement aimée, et l’instant qui devait les réunir faisait ordinairement palpiter son cœur, tandis que l’espoir du plaisir qu’elle se promettait occupait d’avance sa jeune imagination, que l’expérience n’avait pas encore désenchantée. Cependant plus ce jour approchait, plus sa mélancolie augmentait ; et le matin où Denbigh devait prendre congé d’elle, Émilie ne semblait rien moins qu’heureuse. Le tremblement de sa voix et la rougeur de ses yeux avaient fait craindre à lady Moseley qu’elle ne fût malade ; mais, comme, à cette remarque, la pâleur de ses joues fit place au plus brillant incarnat que pût désirer le cœur d’une mère, celle-ci se laissa persuader par Mrs Wilson qu’il n’y avait aucun danger, et elle la suivit pour veiller à quelques arrangements de ménage. En ce moment Denbigh entra ; il avait rencontré les deux dames à la porte, et elles lui avaient dit qu’il trouverait Émilie.

— Je viens vous faire mes adieux, miss Moseley, dit-il d’une voix mal assurée et en lui prenant la main. Il garda le silence quelques instants, puis pressant cette main chérie contre son cœur :

— Puisse le Ciel veiller sur vous ! s’écria-t-il ; et il se précipita hors de la chambre pour mettre fin à des adieux si pénibles. Émilie resta un moment pâle et presque inanimée ; enfin des larmes abondantes vinrent la soulager, et elle alla s’asseoir dans l’embrasure de la croisée. Lady Moseley, en rentrant, dit qu’elle craignait que le froid n’augmentât le malaise d’Émilie ; mais Mrs Wilson, observant que de la fenêtre on découvrait la grande route, pensa que l’air était trop doux pour lui faire mal.

Les personnes qui composaient la petite société de B*** en étaient alors presque toutes absentes, les unes pour leurs affaires, les autres pour leurs plaisirs. M. Jarvis et sa famille avaient quitté le Doyenné pour aller prendre les eaux. Francis et Clara étaient allés faire une petite excursion dans le nord, d’où ils devaient revenir à L*** ; et le jour arriva où la famille du baronnet devait se mettre en route pour s’y rendre de son côté.

Les voitures avaient été demandées ; les domestiques allaient et venaient pour faire tous les préparatifs du départ, et Mrs Wilson,