Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/305

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Il avait perdu cet air d’embarras et d’inquiétude qui bien des fois avait alarmé la tante, mais il avait encore cette douceur, ce respect, cette noble modestie, qui lui avaient assuré son amitié et son estime.

Ce léger changement enchantait Mrs Wilson ; Émilie, au contraire, habituée à voir à son amant un air timide et réservé, fut quelques jours à s’habituer à la gaieté et à l’aisance du comte. Denbigh lui avait paru l’idéal de la perfection, comment aurait-elle pu désirer qu’il changeât ?

Lady Marianne, ne prévoyant pas le plaisir qui l’attendait chez Henriette, avait promis à sa cousine lady Laura de l’accompagner à une fête qu’on donnait le soir même, et elle avait demandé sa voiture de bonne heure. Désirant rester le plus tard possible avec ses nouvelles amies, elle les supplia d’y monter ainsi que Henriette, et de l’accompagner à Annerdale-House, où lady Laura devait venir la prendre ; Henriette y consentit, et après avoir laissé un billet pour Chatterton, ils partirent tous ensemble.

Annerdale-House était un des plus beaux hôtels de Londres ; il avait été bâti dans le dernier siècle, et en traversant ses grands et riches appartements Émilie sentit un moment son cœur se serrer ; mais un coup d’œil jeté sur Pendennyss la réconcilia avec une magnificence à laquelle elle avait été jusqu’alors étrangère. En le voyant dans ces beaux lieux, on ne pouvait douter qu’il n’en fût le maître ; mais il en exerçait la domination avec tant de douceur et de bonté ; il était si aimable, si attentif pour elle, qu’avant de quitter la maison, Émilie commençait à croire qu’on pouvait goûter le bonheur au sein de la splendeur et du luxe.

Bientôt après leur arrivée, on annonça le colonel Denbigh et lady Laura ; et l’homme dont la veille encore le nom seul eût fait pâlir Émilie entra dans le salon. Il ressemblait encore plus à Pendennyss que le duc de Derwent, et il paraissait à peu près du même âge.

Mrs Wilson vit bientôt qu’elle n’avait plus besoin de plaindre lady Laura, comme elle l’avait fait bien des fois, depuis qu’elle la croyait la femme du lâche suborneur de Julia. Le colonel était un homme du meilleur ton, aimable, spirituel, et qui paraissait adorer sa femme. Tous ses parents l’appelaient George, et il donnait souvent au comte ce nom qui leur était commun.

La conversation étant tombée sur un buste de grand prix que