Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/310

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toinette, que le général Denbigh avait portées par égard pour le comte, personne n’était disposé à boire.

Le Foudroyant est-il à son poste ? dit l’amiral au lieutenant chargé des signaux, qui venait lui faire son rapport.

— Oui, Monsieur, et il a répondu.

— Très-bien ; faites le signal pour qu’il se prépare à jeter l’ancre. — Écoutez, Bennet, rappelez tous les bâtiments de transport, qu’ils viennent bord à bord.

— Trois cent quatre-vingt-quatre, Monsieur ? dit l’officier en consultant son livre de signaux. L’amiral jeta les yeux sur le livre et fit un signe d’assentiment.

— Ah ! que la Syrène, la Flore, la Belette, et tous les sloops se tiennent au large, jusqu’à ce que nous ayons débarqué les troupes.

Le lieutenant se retirait pour aller exécuter ces ordres, lorsque l’amiral Howell, saisissant un flacon, le rappela d’une voix de stentor : — Eh ! Bennet, j’oubliais… Prenez un verre de vin, et videz-le en l’honneur du succès de nos armes et de la déroute des Français.

Le général mit un doigt sur ses lèvres en désignant la porte de la chambre voisine, où s’était retiré l’amiral français.

— Vous avez raison, dit l’amiral Howell en baissant la voix ; respectons le malheur, et que votre cœur seul porte ce toast.

Bennet s’inclina, vida d’un trait le verre de vin qui lui était présenté, et en remontant sur le pont, il chercha à recueillir sur ses lèvres les moindres restes de cette précieuse liqueur, en se disant que ces nababs étaient bien heureux d’avoir d’aussi bon vin.

Quoique le général Denbigh eût plus de pouvoir sur lui-même que son ami pour cacher des sentiments qui eussent pu blesser un ennemi malheureux, il n’en ressentait pas moins la joie la plus vive de penser qu’il se retrouverait bientôt dans ses foyers, dans sa patrie, où les honneurs l’attendaient. Si l’amiral s’était emparé d’une flotte, le général avait pris une île, et pendant cette campagne périlleuse, ils s’étaient entraidés pour surmonter toutes les difficultés qui s’opposaient à leurs efforts.

Cette heureuse harmonie, cette coopération mutuelle, si rares dans ces temps malheureux, étaient dues à l’amitié sincère qui unissait les deux commandants. Dès leur enfance ils avaient été