Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/311

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compagnons de jeux et d’études, quoique leurs caractères et leurs habitudes fussent opposés en tout ; et le hasard vint cimenter encore leur intimité quand ils entrèrent au service, car depuis leur premier pas dans la carrière, ils montèrent toujours le même vaisseau, et les deux vétérans, dont l’un commandait maintenant une flotte et l’autre une armée, étaient déjà revenus ensemble en Angleterre, il y avait bien des années, lorsque l’un n’était encore que colonel, et son ami capitaine de frégate.

L’influence de la famille du général, l’harmonie parfaite qu’on savait régner entre les deux amis, et qui les avait déjà mis à même de rendre d’importants services à l’État, leur avaient fait confier l’expédition périlleuse d’où ils revenaient, et leur âge et leurs longs services leur faisaient espérer qu’on les laisserait maintenant jouir au sein de leur famille des honneurs et des récompenses que leur avaient valus leurs travaux. En se versant un verre de madère, le général, qui suivait les préceptes du sage et réfléchissait toujours longuement avant de parler, s’écria : — Peter ! nous avons été amis dès l’enfance.

— Sans doute, dit l’amiral en le regardant avec un peu de surprise à cette exclamation inattendue, et ce ne sera pas ma faute, Frédéric, si nous ne mourons pas de même.

Quoique le général fût d’un courage éprouvé sur le champ de bataille, la pensée de la mort, considérée de sang-froid, lui était toujours désagréable, et il ne répondit point à son ami, afin de marcher plus droit à son but.

— Quoique j’aie regardé bien souvent notre arbre généalogique, Howell, je n’ai jamais pu découvrir la moindre parenté entre nous.

— Je crois qu’il est trop tard pour corriger maintenant cette méprise de la nature, dit l’amiral d’un air pensif.

— Pourquoi cela ?… Hem… cela serait possible, Howell… Prenez un verre de bourgogne.

L’amiral secoua la tête, et, après avoir exprimé par un jurement énergique sa résolution de ne jamais toucher à rien de français, il se versa une rasade de madère, et répondit :

— Je voudrais bien savoir, Denbigh, comment vous vous y prendriez pour opérer maintenant ce prodige.

— Quelle dot comptez-vous donner à votre fille, Peter ? dit l’autre cherchant une manière évasive d’en venir à ses fins.