Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 1, 1839.djvu/353

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famille du docteur. Il était impossible d’empêcher que la mort d’un homme du rang de M. Denbigh fût annoncée dans les papiers publics ; et ce fut par les soins de Francis qu’une notice, sans commentaires, et ne renfermant que la simple vérité, y fut insérée. N’était-il pas naturel que le fils de M. Denbigh portât les mêmes noms que son père ?

Les amis de la famille du docteur ne se permirent jamais aucune allusion à un sujet qui l’eût affligé, et les paysans, ainsi que les voisins du presbytère, n’en sachant pas davantage, parlaient des deux voyageurs comme du vieux et du jeune M. Denbigh.

Le nom du comte de Pendennyss, illustré par sa valeur, était connu de toute l’Angleterre ; mais la longue solitude dans laquelle avaient vécu son père et sa mère les avait fait oublier d’un monde inconstant. Mrs Wilson elle-même, malgré les questions dont elle accablait tous ceux qui connaissaient son jeune héros, ignorait que personne de sa famille portât le nom de Denbigh. Pendennyss-Castle était depuis plusieurs siècles la résidence de cette famille, et le changement de nom de ses prédécesseurs avait été oublié avec les circonstances qui l’avaient amené. Lorsque Émilie rencontra le comte pour la seconde fois au presbytère, elle l’appela naturellement M. Denbigh.

Pendennyss était venu de Londres pour voir son parent, lord Bolton ; mais ne l’ayant point trouvé, il ne put résister au désir d’embrasser ses amis du presbytère ; en conséquence, il quitta sa voiture à un demi-mille de là, renvoya ses domestiques à Londres, et arriva à pied chez le docteur Yves.

Les mêmes motifs qui l’avaient dirigé auparavant, le désir de pouvoir se livrer à sa douleur sans en être distrait par des visites et des cérémonies inutiles, le décida à ne pas faire connaître son véritable nom.

Rien n’était plus aisé. Dès son enfance, le docteur et Mrs Yves l’avaient appelé George, et jamais ils ne lui donnaient le nom de Pendennyss, qui ne servait qu’à leur rappeler à tous de pénibles souvenirs.

Le comte avait souvent entendu parler d’Émilie par ses amis ; leurs lettres la lui peignaient partageant leurs plaisirs et leurs peines, et il lui sembla même qu’ils exprimaient plus d’affection encore pour elle que pour la femme de leur fils ; un soir, Mrs Yves, voulant écarter les tristes souvenirs qui accablaient son jeune