Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/396

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promptitude et habileté. À la première alarme que causa l’incendie, quelques hommes de l’équipage s’étaient saisis d’objets qui pouvaient flotter, et les avaient placés à l’avant dans le lieu le plus éloigné de la Sainte-Barbe, espérant se sauver à la nage. La plupart de ces objets avaient été abandonnés lorsque les matelots furent rappelés au travail par les officiers. Plusieurs boîtes et coffres vides étaient parmi eux ; on avait assis les femmes sur les coffres, tandis que les boîtes servaient à garantir leurs pieds de l’eau. Comme l’arrangement des espars faisait plonger le principal mât jusque sous les vagues et que le radeau était assez petit pour n’avoir besoin d’aucun artifice dans sa mâture, l’extrémité en était presque submergée. Quoique le poids d’une tonne fût ajouté à la pesanteur spécifique du bois, ce dernier était d’une espèce si légère, et si exempt de ce qui pouvait être inutile à ceux qu’il portait, que les espars flottaient avec assez de légèreté pour la sûreté des fugitifs.

— Coupez les liens, dit Ludlow, frémissant involontairement au bruit de plusieurs explosions dans l’intérieur qui se succédaient rapidement et lançaient des fragments de bois brûlé dans les airs. Coupez les liens et poussez le radeau loin du bâtiment. Dieu sait si nous avons besoin de nous en éloigner !

— Ne coupez pas ! s’écria Seadrift dans un accès de désespoir, mon brave !… mon dévoué !…

— Est en sûreté… répondit d’une voix calme l’Écumeur paraissant dans les enfléchures des agrès d’avant, qui n’avaient point encore été touchées par le feu. Coupez tout ! je reste pour brasser la voile d’artimon plus en arrière.

Lorsque cette tâche fut remplie, pendant une minute la figure élégante du contrebandier fut suspendue sur le bord du vaisseau enflammé ; il regardait d’un air mélancolique cette masse brillante.

— Voilà la fin d’un beau bâtiment, dit-il assez haut pour être entendu de ceux qui étaient au-dessous de lui ; puis il s’élança et plongea dans les flots. Le dernier signal partait de la chambre placée au-dessus de la Sainte-Barbe, dit-il en sortant de l’eau et en secouant ses cheveux mouillés. Plût à Dieu que le vent soufflât, car nous avons besoin d’être à une plus grande distance !

La précaution que le contrebandier avait prise d’assujettir les voiles, n’était pas inutile. Le radeau n’avait aucun mouvement,