Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/410

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

changea légèrement, comme si le vaisseau eût été doué de vie et de facultés intelligentes.

— Ohé ! la Sorcière des Eaux ! Ohé ! répéta l’Écumeur, avec un effort plus puissant.

— Hilloa ! Cette réponse vint faiblement sur la brise, et la direction du brigantin changea de nouveau.

La Sorcière des Eaux ! la Sorcière des Eaux ! Ohé ! cria pour la troisième fois le contrebandier, avec une force surnaturelle. Après avoir proféré ce cri, il tomba en arrière épuisé par ses efforts.

Ces mots retentissaient encore dans les oreilles des malheureux compagnons de l’Écumeur, lorsqu’un cri bruyant traversa les airs. Un moment après on vit les étroits avants du brigantin se diriger vers le petit signal blanc qui jouait au-dessus des vagues. Il ne se passa qu’un moment avant que le beau bâtiment fût à cinquante pieds du radeau, mais ce moment fut rempli d’autant d’espérance que de crainte. En moins de cinq minutes les espars de la Coquette voguaient sur l’immense Océan, solitaires et abandonnés.

Les premières sensations de l’Écumeur lorsque ses pieds touchèrent le pont de son brigantin furent sans doute celles d’une profonde gratitude. Il garda le silence, car il paraissait trop oppressé pour parler ; marchant le long du pont il leva les yeux et posa sa main avec force sur le cabestan d’une manière en même temps affectueuse et convulsive, puis il sourit à son équipage attentif et obéissant, parlant avec autant d’autorité que de joie.

— Déchargez les voiles de hune, brassez et bordez les voiles ; que tout soit aussi plat que les bords ; mes amis, assujettissez la Dame et voguons vers les côtes !



CHAPITRE XXXIV.


Je vous prie, monsieur, étiez-vous présent à ce récit ?
Shakspeare. Conte d’hiver.


Le matin suivant, les fenêtres ouvertes du Lust-in-Rust annonçaient la présence du maître ; il y avait un air de mélancolie, et