Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/58

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— Monsieur, je me promène dans les bois pour mon plaisir, et je vais sur la baie pour… Parbleu, Monsieur, c’est pour suivre ma jeune maîtresse que je vais sur la baie, et ceux qui aiment tant la baie et les mers, Monsieur, feraient aussi bien de ne pas venir du tout dans les bois.

— C’est bien dit, c’est répondre avec esprit ; quoi, vous êtes aussi un savant ? Lorsqu’on est dans un bois, il faut y glaner autant qu’on peut. Est-ce l’art de ferler une voile qu’on apprend dans ce joli volume ?

Tandis que le marin faisait cette question, il prenait sans cérémonie le livre d’entre les mains de François, qui au lieu de s’offenser de cette liberté, offrit le volume, dans son enthousiasme pour son auteur.

— Non, Monsieur, ce n’est point l’art de ferler une queue, mais celui de toucher l’âme. On n’y parle point de vent ou de calme ; ce n’est point un livre écrit sur la mer, c’est le Cid ! Le grand homme que Corneille ! Lisez-le, monsieur le marin, si vous voulez savoir ce que c’est que la vraie poésie.

— Ah ! je vois que c’est un livre de loi où chaque homme écrit ses pensées. Je vous rends, Monsieur, le Cid, et ses beaux sentiments par-dessus le marché. Quelque grand que fût son génie, il me semble qu’il n’écrivit pas tout ce qui est contenu entre ces feuilles.

— Corneille n’a pas écrit tout le Cid ! Pardonnez, Monsieur, et il en écrira dix fois davantage pour la gloire de la France. Quand on parle des beaux génies de notre pays, l’envie des Anglais se montre toujours à découvert.

— Je veux dire que si le gentilhomme dont vous parlez écrivit tout ce qui se trouve dans le livre, et si c’est aussi beau que vous voulez le faire croire à un simple marin, il eut tort de ne pas le faire imprimer.

— Imprimé ! répéta François, en ouvrant les yeux et le livre par une impulsion soudaine. Imprimé ! Ah ! voilà sans doute un des papiers de mademoiselle Alida.

— Prenez en plus de soin à l’avenir, interrompit le marin. Quant à votre Cid, c’est un volume inutile pour moi, puisqu’il n’enseigne rien de la latitude d’un bas-fond ou de la forme des côtes.

— Il enseigne la morale, Monsieur, le choc des passions et les