Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 10, 1839.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE IX.


Pourquoi me regardez-vous ainsi ? pourquoi êtes-vous effrayée ? Je voudrais devenir votre ami, et avoir votre amour.
Shakspeare. Le Marchand de Venise.


Le premier mouvement d’Alida, à cette seconde invasion du pavillon, fut certainement de fuir. Mais la timidité n’était pas sa faiblesse ; et, comme sa fermeté naturelle lui donna le temps d’examiner la personne qui venait d’entrer avec si peu de cérémonie, la curiosité se joignit à ce sentiment pour l’inviter à rester. Peut-être une vague et naturelle espérance qu’elle allait voir le commandant de la Coquette eut un certain pouvoir sur sa première décision. Afin que le lecteur puisse juger combien cette hardiesse était excusable, nous allons décrire la personne de ce nouvel aventurier.

L’étranger était dans la fleur et dans toute l’activité de la jeunesse. Il ne pouvait pas avoir plus de vingt-deux ans ; on ne l’aurait pas même cru aussi âgé, si ses traits n’eussent été revêtus d’une riche couleur brune, qui en quelque sorte servait d’ornement à un teint qui n’avait jamais été blanc, mais qui était cependant clair et frais. Des favoris noirs, épais et soyeux, qui formaient un singulier contraste avec des paupières et des sourcils d’une beauté et d’une douceur presque féminines, contribuaient à donner une expression résolue à un visage qui, sans cela, eût peut-être manqué du caractère qui convient à celui d’un homme. Le front était bas et uni ; le nez, quoique proéminent et d’une coupe hardie, était d’une excessive délicatesse dans ses détails ; la bouche et les lèvres, pleines d’une expression mêlée de malice et de mélancolie ; les dents régulières, de la blancheur la plus pure ; le menton petit, rond, à fossette, et si soigneusement dépourvu de la marque distinctive du sexe masculin, que l’on aurait pu s’imaginer que la nature s’était emparée de ce qui lui revenait pour en augmenter la portion des joues et des tempes. Si l’on ajoute à ces traits des yeux brillants et noirs comme le jais, qui parais-