Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 11, 1839.djvu/83

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— Dites plutôt cette nuit, Signore, car peu de choses dignes de votre oreille ont en lieu, excepté quelques bagatelles dans le cours de la soirée.

— Les stylets ont-ils eu de l’occupation sur le pont ? ou le peuple est-il moins gai qu’à l’ordinaire ?

— Personne n’est mort de mort violente, et la place est gaie comme les belles vignes d’Engaddi. Saint Abraham ! quelle ville que Venise pour ses plaisirs ! et comme les cœurs des vieillards et des jeunes gens se dévoilent dans leurs joies ! Il suffit presque de regarder les fonts baptismaux dans la synagogue pour être témoin d’une si joyeuse exemption en faveur des habitants de ces îles ! Je ne croyais pas avoir l’honneur d’une entrevue ce soir, Signore, et j’avais prié avant de poser ma tête sur l’oreiller, lorsqu’une personne envoyée par le conseil m’apporta un bijou avec ordre de déchiffrer les armes et autres emblèmes qui se trouvent dessus. C’est une bague avec les signes ordinaires qui accompagnent les confidences secrètes.

— Tu as le cachet ? dit le noble en étendant la main.

— Le voici. C’est une belle pierre, une turquoise de prix.

— D’où t’est-il venu, et pourquoi te l’a-t-on envoyé ?

— Il m’est venu, Signore, à ce que j’ai pu apprendre du messager, plutôt par des signes que par des paroles, d’un lieu assez semblable à celui d’où le juste Daniel échappe, en considération de sa piété et de sa naissance.

— Tu veux dire la Gueule du Lion ?

— Voilà ce que disent nos anciens livres, Signore, à l’égard de ce prophète ; et je crois que c’est aussi ce que l’agent du conseil voulait dire relativement à la bague.

— Je ne vois qu’un cimier et un casque. Sont-ce les armes d’un Vénitien ?

— Que le sage Salomon guide le jugement de son serviteur dans une affaire si délicate ! La pierre est d’une race beauté et ne peut appartenir qu’à un homme qui a de l’or de reste. Examinez seulement ce noble poli, Signore, et remarquez les belles couleurs qu’elle jette par le changement de lumière !

— C’est fort bien. Mais à qui appartient-elle ?

— C’est une merveille quand on pense combien d’argent est renfermé dans un si petit espace. J’ai vu donner des sommes énormes pour des babioles moins précieuses que celle-ci.