Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/277

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tion, permettant à peine à un sourire d’effleurer ses lèvres, et il fut si léger que son compagnon ne l’aperçut même pas.

— J’espère, dit-elle, que nous aurons le bonheur de trouver l’eau aussi tranquille en retournant au village, qu’elle l’était quand nous en sommes venus. — Je crois que vous ramez quelquefois, monsieur Bragg ?

— Ah ! Miss, une telle occasion peut ne jamais se représenter. Vous autres, dames étrangères, il est si difficile de pouvoir vous parler tête à tête ! Permettez-moi donc de saisir cet heureux moment, ici, sous les chênes de l’hyménée, pour vous offrir cette main fidèle et ce cœur dévoué. Vous avez assez de fortune pour nous deux, je ne parlerai donc pas de ce vil sujet. Songez, Miss, combien nous serons heureux de soutenir et de soigner votre excellent père pendant sa vieillesse, et de descendre ensemble la montagne de la vie, où, comme dit la chanson :


Nous nous donnerons la main
Jusqu’au pied de la montagne,
John Anderson, mon voisin.


— Vous tracez d’agréables tableaux, monsieur Bragg, et l’on y reconnaît la touche d’un maître.

— Quelque agréables que vous les trouviez, Miss, ils sont infiniment au-dessous de la vérité. Le lien du mariage, indépendamment de ce qu’il est le plus sacré de tous ceux qui nous attachent à la vie, est aussi celui qui est le plus cher au cœur. Heureux ceux qui contractent cet engagement solennel avec une perspective aussi belle que la nôtre ! Nos âges se conviennent, nos dispositions sont les mêmes, nos habitudes sont si semblables qu’elles écartent toute crainte de changements désagréables, et notre fortune sera précisément ce qu’elle doit être pour rendre un mariage heureux avec la confiance d’un côté et la gratitude de l’autre. Quant au jour, je désire vous laisser entièrement maîtresse de le fixer ; je ne vous presserai pas c’est le privilège de votre sexe.

Eve avait souvent entendu John Effingham faire des commentaires sur l’impudence d’une partie de la population américaine, et elle s’en était amusée ; mais elle ne s’était jamais attendue à être elle-même l’objet d’une attaque semblable. Pour que rien ne manquât à cette scène, Aristobule avait pris son canif, avait coupé une branche d’un buisson, et il s’occupait de son amusement favori en la taillant en pièces. On n’aurait pu faire un meilleur tableau d’un amour raisonnable.