Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/278

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— Vous gardez le silence, Miss ? J’aurai égard à votre timidité naturelle, et je ne vous en dirai pas davantage pour le moment. Mais, comme se taire c’est consentir…

— Un instant, s’il vous plaît ; Monsieur, dit Ève en faisant un léger mouvement de son parasol pour lui imposer silence. Je présume que nos habitudes et nos opinions, quoique vous paraissiez les croire si semblables, offrent assez de différence pour que vous puissiez ne pas voir combien il est inconvenant qu’un homme placé dans la situation ou vous êtes abuse de la confiance d’un père au point de faire à son insu une semblable proposition à sa fille. Mais comme vous m’avez fait l’offre de votre main en termes qui n’étaient pas équivoques, je désire y répondre aussi clairement. Je refuse, Monsieur, l’honneur et l’avantage de devenir votre femme.

— Le temps a des ailes, Miss.

— Et il vole rapidement, monsieur Bragg. Si vous conservez beaucoup plus longtemps votre emploi chez mon père, vous pouvez perdre l’occasion de faire votre fortune dans l’Ouest, où j’ai entendu dire que vous aviez depuis longtemps intention d’émigrer.

— Je renoncerai volontiers pour vous, Miss, à toutes mes espérances dans l’Ouest.

— Non, Monsieur, je ne puis consentir à un tel sacrifice. Je ne vous dirai pas : oubliez-moi, mais oubliez toutes vos espérances ici, et reprenez celles que vous avez si inconsidérément abandonnées au-delà du Mississipi. Je ne rapporterai pas cette conversation à mon père de manière à lui inspirer un mécontentement inutile contre vous et en vous remerciant, comme doit le faire toute femme, d’une offre qui doit faire supposer que celui qui la fait a du moins quelque bonne opinion d’elle, je vous souhaite tout le succès possible dans vos entreprises à l’Ouest.

Ève ne laissa pas à M. Bragg le temps de faire de nouvelles instances ; car, en terminant ces mots, elle lui fit une révérence et le quitta. M. Dodge, qui avait été de loin témoin de cette entrevue, se hâta alors d’aller joindre son ami, curieux d’en connaître le résultat ; car il avait été secrètement arrangé entre ces deux modestes jeunes gens qu’ils tenteraient fortune tour à tour près de la riche héritière, si elle n’acceptait pas la première offre qui lui serait faite, ce qu’ils ne croyaient pourtant pas vraisemblable. Au grand chagrin de Steadfast, et probablement à la grande sur-