Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 16, 1839.djvu/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

impressions et tant d’habitudes différentes, qu’elles ne se préparèrent pas à se revoir sans quelque appréhension. Cette entrevue eut lieu environ huit jours après qu’Ève fut établie dans State-Street, et de meilleure heure dans la matinée qu’il n’est d’usage de recevoir des visites. Entendant une voiture s’arrêter devant la porte, et le bruit de la sonnette, Ève s’approcha d’une fenêtre, et, cachée par un rideau, reconnut sa cousine qui descendait de sa chaise de poste.

Qu’avez-vous donc, ma chère ? lui demanda mademoiselle Viefville, voyant son élève trembler et pâlir.

— C’est ma cousine, miss Van Courtlandt. Je l’aime comme une sœur, et nous allons nous revoir pour la première fois après tant d’années.

Eh bien ! c’est une jeune personne fort jolie, répondit la gouvernante, s’approchant à son tour de la croisée. Sous le rapport de la personne, vous devez du moins être contente.

— Si vous voulez m’excuser, Mademoiselle, je descendrai seule ; je préférerais être tête à tête avec Grace dans cette première entrevue.

Très-volontiers. Elle est votre parente, et ce désir est tout naturel.

Ève, ayant reçu cette permission, rencontra à la porte de sa chambre sa suivante qui venait lui annoncer que mademoiselle de Courtlandt l’attendait dans la bibliothèque, et elle descendit sur-le-champ pour la recevoir. Le jour entrait dans la bibliothèque par le moyen d’un petit dôme, et Grace, sans y penser, s’était placée dans la situation qu’un peintre lui aurait choisie pour faire son portrait. Une lumière vive et pure tombait obliquement sur elle quand sa cousine entra, et faisait ressortir sa belle taille et ses beaux traits et cette taille, ces traits, étaient de ceux qui ne se rencontrent pas tous les jours, même dans un pays où la beauté n’est pas rare. Elle était en costume de voyage, et pourtant Ève trouva que sa parure était plus recherchée que ne le comportait l’heure à laquelle elle arrivait, tout en s’avouant à elle-même qu’elle n’avait jamais vu une jeune personne plus charmante. Quelques idées semblables se présentèrent aussi à l’esprit de Grâce, qui avait le tact de son sexe, et qui, quoique frappée de l’élégante simplicité de la mise d’Ève, le fut encore plus des charmes de toute sa personne. Dans le fait, il régnait entre elles une forte ressemblance, quoique les traits de chacune d’elles se