Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/11

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PRÉFACE.


Plusieurs raisons doivent engager l’Américain qui compose un roman à choisir son pays pour le lieu de la scène ; il en est plus qui encore qui doivent l’en détourner. Pour commencer par le pour c’est un chemin nouveau qui n’est pas encore frayé, et qui aura du moins tout le charme de la nouveauté. Une seule plume de quelque célébrité s’est exercée jusqu’à présent parmi nous dans ce genre d’ouvrage ; et attendu que l’auteur est mort, et que l’approbation ou la censure du public ne peuvent plus ni flatter son espoir, ni éveiller ses craintes, ses compatriotes commencent à découvrir son mérité[1] ; mais cette dernière considération aurait dû faire partie des raisons contre, et nous oublions que c’est le pour que nous examinons dans ce moment. La singularité même de la circonstance offre quelque chance pour attirer l’attention des étrangers sur l’ouvrage, et notre littérature est comme notre vin, qui gagne beaucoup à voyager. Ensuite le patriotisme ardent du pays assure le débit des plus humbles productions qui traitent un sujet national ainsi que le prouvera bientôt, — nous en avons la conviction intime, le livre de recettes et dépenses de notre éditeur. Fasse le ciel que ce ne soit pas, comme l’ouvrage lui-même, — une fiction ! Et enfin on peut supposer avec raison qu’un auteur réussira beaucoup mieux à tracer des caractères et à décrire des scènes qu’il a eues constamment sous les yeux, qu’à peindre des pays où il n’a fait que passer.

Maintenant voyons le contre, et commençons par réfuter tous les arguments en faveur de la mesure. Il n’y a eu jusqu’à présent qu’un seul écrivain de ce genre, il est vrai ; mais le nouveau candidat qui aspire aux mêmes honneurs littéraires sera comparé à ce modèle unique, et malheureusement ce n’est pas le rival qu’on choisirait de préférence. Ensuite, quoique les critiques de-

  1. Charles Brockden Brown, romancier américain, né à Philadelphie, vécut longtemps obscur et ignoré. Il est mort en 1813, à l’âge de trente-cinq ans. — Tr.