Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 2, 1839.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, répondit-elle avec le même air de distraction. Les cavaliers avaient mis pied à terre, et semblaient se reposer.

Le frère étonné tourna ses regards sur la physionomie de sa sœur, dont les yeux noirs restaient fixés sur le tapis avec un air toujours abstrait, mais n’y trouva aucune explication. Il les dirigea ensuite sur Frances, qui tressaillit en voyant l’expression animée de ses traits, se leva à la hâte, et lui demanda s’il avait besoin de quelques secours.

— Si vous daignez me pardonner cette impolitesse, répondit Singleton en faisant un effort pour se soulever, je désirerais voir un instant le capitaine Lawton.

Frances se hâta d’aller communiquer au capitaine le désir de son camarade, et cédant à un intérêt auquel elle ne pouvait résister, elle revint s’asseoir à côté de miss Singleton.

— Lawton, s’écria le jeune homme avec vivacité dès qu’il vit entrer son ami, avez-vous des nouvelles du major ?

— Il a déjà envoyé deux ordonnances pour savoir comment nous nous trouvons tous dans le lazaret.

— Et pourquoi n’est-il pas venu lui-même ?

— Ah ! c’est une question à laquelle le major seul peut répondre, répliqua Lawton d’un ton sec. Mais vous savez que les habits rouges sont en campagne, et Dunwoodie ayant le commandement de ce côté, il faut qu’il surveille ces Anglais.

— Sans contredit, répondit lentement Singleton comme s’il eût été frappé des motifs allégués par son camarade pour justifier l’absence du major. Mais comment se fait-il que vous soyez ici les bras croisés quand il y a de la besogne à faire ?

— Mon bras droit n’est pas dans le meilleur état possible, dit Lawton en se frottant l’épaule, et Roanoke est encore presque boiteux de sa chute. D’ailleurs j’en ai une autre raison que je pourrais vous donner, si je ne craignais pas que miss Wharton ne me le pardonnât jamais.

— Parlez, je vous prie, sans craindre mon déplaisir, Monsieur, dit Frances détournant un instant ses yeux de la physionomie de miss Singleton en rendant le sourire de bonne humeur du capitaine avec la gaieté maligne qui lui était naturelle.

— Eh bien ! s’écria Lawton dont la figure s’épanouissait en parlant ainsi, l’odeur qui sort de votre cuisine, miss Wharton, me défend de partir avant que je sois en état de parler avec plus de certitude des ressources du canton…