Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 22, 1845.djvu/163

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notre câble ; » nous allions arriver à l’extrémité d’une baie profonde. Le capitaine Williams pensait différemment, et, quand il découvrit un passage étroit entre deux promontoires, il nous annonça, d’un air de triomphe, l’approche du cap. Il avait trouvé un aspect de cette nature aux montagnes de la côte, en doublant le cap Horn, et les hauteurs qui l’entouraient lui semblaient de vieilles connaissances. Malheureusement nous ne vîmes pas le soleil à midi, et ne pûmes dès lors faire aucune observation. Pendant quelques heures nous gouvernâmes au sud-ouest, en traversant un canal étroit ; mais, tout à coup, ce canal fit un coude et nous ramena au nord-ouest ; là, nous eûmes encore la marée favorable, et nous fûmes alors certains d’avoir atteint un point où le courant devait suivre une direction opposée à celle que nous avions observée dans les autres parties de la passe. Il en résultait que nous étions maintenant à moitié chemin de l’Océan, bien que, d’après la route que nous suivions, nous dussions nous attendre à trouver encore bien des sinuosités. Nous n’allions certainement pas alors dans la direction du cap Horn.

Malgré les difficultés et les doutes qui nous préoccupaient, le capitaine Williams continua à presser le navire, déterminé à aller en avant tant qu’il ferait jour. Il n’y avait plus de rafale, et le vent tournait de nouveau vers le sud ; il fut bientôt tout à fait derrière nous, et, avant le coucher du soleil, il avait une légère tendance à l’ouest ; heureusement il se modéra, nous mîmes alors la grande voile et les perroquets. Nous avions porté presque toute la journée une bonnette basse et une bonnette de hune. Ce qu’il y avait de plus grave dans notre situation, c’était le grand nombre d’îles et d’îlots que nous rencontrions. Le rivage était rude et escarpé de toute part, et des dentelures profondes venaient constamment nous donner la tentation de rebrousser chemin ; mais, jugeant avec raison que la direction de la marée était un indice certain de la véritable route, le capitaine tint bon.

La nuit qui suivit fut une des plus pénibles que j’aie jamais passées. Nous fûmes tentés bien des fois de jeter l’ancre dans quelqu’une des vingt baies que nous traversâmes successivement ; mais nous ne pûmes nous décider à risquer un autre câble. Nous eûmes le flot un peu après le coucher du soleil, et il cessa avant le lendemain matin ; mais le vent continuait à tourner, et à la fin nous portâmes au plus près à franche bouline, portant toutefois nos perroquets hauts. Il eût été plus que temps alors de retourner sur nos pas, si nous l’avions voulu, mais nous étions trop avancés pour reculer. Nous espérions à chaque instant trouver quelque ouverture vers le sud, qui nous rame-