Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/108

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pères, et il n’y aura point de mal. Mais il y a d’autres Wallingford que vous et moi.

— Comment donc ? voilà du nouveau ! j’avais toujours cru que nous étions les deux derniers ?

— Non : Miles Ier laissa deux fils : l’aîné, dont nous descendons, et un autre qui passa dans la colonie de New-Jersey, et dont les descendants existent encore. Celui de nous deux qui survivra peut aller chercher là un héritier, si bon lui semble. Mais n’oubliez pas que je viens avant eux, dans tous les cas.

J’assurai mon cousin qu’il passerait avant eux sans contredit, et je changeai de discours ; car, franchement, la manière dont il parlait commençait à me déplaire. Je le priai de m’excuser et je me retirai dans ma chambre, pendant qu’il allait, disait-il, jeter un coup d’œil sur le bien de ses ancêtres, qu’il n’avait pas encore eu le loisir d’examiner en détail.

Il faisait tout à fait nuit quand j’entendis le bruit d’une voiture ; c’était celle de Lucie, et M. Hardinge monta bientôt auprès de moi. Il s’informa d’abord de ma santé, et me témoigna l’intérêt le plus paternel ; après quoi il ajouta :

— Rupert est ici. Je l’ai amené pour vous voir. Lucie et lui paraissaient croire qu’il valait mieux ne pas vous déranger ce soir ; mais je vous connais mieux. Qui doit être auprès de vous dans ces moments pénibles, mon cher Miles, si ce n’est Rupert, votre ancien ami, le compagnon de votre enfance, je pourrais presque dire votre frère ?

— Mon frère ! et pourtant je me contins. Grace avait reçu ma promesse solennelle, Lucie également : Rupert n’avait rien à appréhender. Je demandai même à le voir, priant seulement qu’on nous laissât seuls ensemble. J’attendis quelques minutes sans le voir paraître. Enfin la porte de ma chambre s’ouvrit, et Chloé m’apporta un billet. Il était de Lucie, et conçu en ces termes : Miles, pour elle, pour moi, contenez-vous ! — Chère Lucie ! elle n’avait pas sujet de s’alarmer. L’image de Grace semblait me sourire, et m’encourager au nouveau sacrifice que j’allais lui faire.

Enfin Rupert parut. Lucie l’avait retenu jusqu’à ce qu’elle fût bien sûre que son billet m’avait été remis. Ses manières humbles et réservées vinrent en aide à mes bonnes résolutions. S’il s’était avancé pour prendre ma main, s’il avait cherché à balbutier quelques