Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/217

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leur service, et elle continua à avancer droit sur l’ennemi. Elle attendit pour essayer de lofer qu’elle ne fût qu’à deux cents brasses, et alors elle vint lentement au vent ; manœuvre qui fut facilitée par la chute de son petit mât de hune, qui alla rejoindre à l’arrière les autres débris, au moment où la barre devait être mise à bâbord. Le Cerf voyant que le combat allait recommencer, sans changer de place, vint aussi au vent, et les quatre combattants s’apprêtèrent avec la même ardeur que si une première action n’avait pas déjà eu lieu.

Il ne serait pas facile de décrire tous les incidents de cette seconde affaire. Pendant deux heures les frégates restèrent à une encâblure l’une de l’autre, se livrant le combat le plus acharné qu’il fût possible dans les circonstances où elles se trouvaient. Toutes se conduisirent noblement ; mais c’est surtout le Prince-Noir qui, quoique son pont n’offrît que ruines, excita mon admiration ; et son feu fut encore le plus nourri et le plus actif ; mais, gêné dans ses manœuvres par tous ces mâts et ces agrès épars, il finit par être dépassé par la Désirée, qui prit graduellement la tête, et les deux bâtiments se trouvèrent hors de la portée de leurs canons respectifs. Le commandant anglais gagna alors au vent, tandis que la frégate française remplaçait son foc et sa brigantine, qui n’étaient plus que des lambeaux informes.

Pendant ce temps le Rapide et le Cerf n’étaient pas restés inactifs. Le bâtiment français se comporta bravement, et il eût été difficile de faire un choix entre les deux, quand les Français virèrent rapidement vent arrière, et suivirent leur conserve en échangeant en passant une bordée avec le Prince-Noir.

C’est surtout lorsqu’il faut réparer des avaries que l’habileté du marin a occasion de s’exercer. Tout homme peut charger et tirer un canon ; mais il faut une longue expérience pour parer à toutes les éventualités d’un combat sur mer. Le premier faiseur de mottes pourrait abattre un mât, il faut un matelot pour le replacer. Depuis le commencement de l’engagement, nous avions tous admiré l’ordre, la régularité et la rapidité avec laquelle le Prince-Noir et le Rapide avaient forcé ou diminué de voiles, et l’adresse, les ressources qu’ils avaient déployées pour maintenir en place les mâts criblés et les voiles déchirées, tandis que Marbre se livrait à des sarcasmes et à des commentaires sans fin sur la confusion et le bruit qui régnaient