Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/111

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lement prévoir qu’elle formera des nœuds nouveaux plus forts que ceux qu’un hasard a attachés pour elle ici.

— Jamais, jamais ! s’écria Maud avec feu, je ne pourrai aimer personne autant que ceux qui sont dans cette maison.

L’émotion étouffa sa voix, et fondant en larmes elle se jeta dans les bras de mistress Willoughby et sanglota comme un enfant. La mère engagea son fils à quitter la chambre, et resta pour apaiser sa fille éplorée comme elle l’avait fait si souvent lorsque Maud se laissait entraîner par ses chagrins enfantins.

Dans cette entrevue, l’habitude et la franchise exercèrent si bien leur influence, que l’excellente femme ne se rappela pas que son fils et Maud n’étaient pas parents. Accoutumée à voir cette dernière chaque jour, et la regardant encore comme à l’instant où elle l’avait reçue dans ses bras, à peine âgée de quelques semaines, l’effet que l’idée d’une séparation aurait produit sur une autre ne se présentait même pas à son esprit. Le major Willoughby, enfant de huit ans à l’époque où Maud fut reçue dans la famille, avait connu d’abord sa vraie position, et il était peut-être moralement impossible qu’il eût pu oublier ces circonstances dans les relations qui suivirent. L’école, le collège et l’armée, lui avaient donné le loisir de réfléchir à ces choses, en dehors des habitudes de la famille. Pendant qu’il attendait les conséquences qui pourraient suivre ses réflexions, un sentiment sympathique se produisait chez Maud. Jusqu’aux dernières années, elle avait été si enfant, que le jeune soldat l’avait traitée comme une enfant ; ce ne fut que lorsqu’elle observa en lui un changement, dont elle seule s’aperçut, et qui arriva quand il put remarquer qu’elle était devenue femme, qu’elle éprouva des sentiments qui n’étaient plus strictement ceux d’une sœur. Tout ceci, néanmoins, était un profond mystère pour chacun des membres de la famille, à l’exception des deux intéressés. Les pensées toutes simples et toutes ordinaires des autres, ne leur avaient jamais laissé parvenir ces idées à l’esprit.

En une demi-heure, mistress Willoughby eut calmé les chagrins de Maud, et la famille tout entière quitta la maison pour se rendre à la chapelle. Mike, quoiqu’il ne fît pas grand cas des sermons de M. Woods, s’était lui-même constitué fossoyeur, office qui lui échut à cause de son habileté à manier la bêche. Une fois initié dans cette branche des devoirs du sacristain, il