Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’aperçut que Beulah avait quelque chose à lui communiquer. Cependant elle ne lui adressa aucune question. Enfin Beulah prit la parole.

— C’est une terrible chose, Maud, pour une femme de contracter les nouveaux devoirs, les nouvelles obligations d’une épouse.

— Elle ne les contracterait pas, Beulah, si elle ne ressentait pour l’homme de son choix un amour qui la soutiendra dans leur accomplissement. Toi qui as tes parents, tu dois sentir cela, et je ne doute pas que tu ne le fasses.

— Tu m’étonnes, Maud ! Mes parents ne sont-ils pas les tiens ? Notre amour pour eux n’est-il pas mutuel ?

— Je suis honteuse de moi-même, Beulah. Aucune fille n’eut jamais de parents qui lui soient plus chers. Je regrette mes paroles, et te prie de me pardonner.

— C’est ce que je serai très-heureuse de faire. C’était une grande consolation pour moi de penser que lorsque je me verrais forcée de quitter la maison, je laisserais auprès de mon père et de ma mère une fille soumise, et qui les aime autant que toi, Maud.

— Tu as eu raison, Beulah ; je les aime de tout mon cœur. Tu as eu raison dans un autre sens, car je ne me marierai jamais ; j’y suis décidée.

— Eh bien, ma chère, il en est beaucoup qui sont heureuses sans jamais se marier, plus heureuses même que si elles se mariaient. Evert a un cœur bon, ferme, aimant, et je sais qu’il fera ce qu’il pourra pour m’empêcher de regretter ma famille ; mais aurons-nous jamais plus qu’une mère, Maud ?

Maud ne répondit pas, quoiqu’elle parût surprise des paroles de Beulah.

— Evert a fait tant de raisonnements à mon père et ma mère, continua la fiancée en rougissant, qu’ils ont cru devoir nous marier tout de suite. Croirais-tu, Maud, qu’il a arrêté ce soir que la cérémonie se fera demain ?

— C’est bien précipité, Beulah. Pourquoi se sont-ils aussi vite décidés ?

— C’est à cause de l’état du pays. Je ne sais comment Evert a fait, mais il a persuadé à mon père qu’aussitôt que je serais sa femme, nous serions tous plus en sûreté a la Hutte.