Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/143

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nation et, il le pense du moins, une grande, très-grande nation.

— Ah ! c’est l’ambition qui pousse les rebelles. Pourquoi ne sont-ils pas satisfaits d’être les respectables sujets d’un pays comme l’Angleterre, au lieu de se détruire les uns les autres pour ce fantôme de liberté ? en seront-ils plus heureux ou plus sages ?

Ainsi raisonnait Maud sous l’influence de ses sentiments intimes. Beulah répondit doucement mais avec des pensées plus patriotiques.

— Je sais qu’Evert a un sens juste et droit, Maud, et tu avoueras qu’il n’est ni fier ni ambitieux. Si son jugement calme approuve ce qui a été fait, nous pouvons bien supposer qu’on n’a pas agi en hâte et sans nécessité.

— Pense, Beulah, dit Maud en pâlissant et d’une voix tremblante, qu’Evert et Robert sont en ce même moment engagés dans la querelle l’un contre l’autre. Le dernier messager nous a apporté la malheureuse nouvelle du débarquement de sir William Howe avec une grande armée, près de New-York, et les Américains se préparent à marcher à sa rencontre. Il est certain que Bob est à son régiment, et ce régiment, nous le savons, fait partie de l’armée. Comment peux-tu avoir des idées de liberté dans un moment si critique ?

Beulah ne répondit pas, car, malgré sa nature tranquille et la confiance sans bornes qu’elle avait en son mari, elle ne pouvait s’empêcher d’être inquiète. Le colonel avait promis de profiter, pour écrire, de toutes les bonnes occasions, et il tenait sa promesse.

Elle pensa que, sous peu de jours, elle recevrait quelque missive importante ; elle arriva en effet, mais sous une forme qu’elle n’avait pas prévue et par un messager qu’elle ne désirait pas voir.

À cette époque, la saison des travaux avançait. Le mois d’août était terminé, et septembre avec ses fruits lui avait succédé. L’année promettait de finir sans qu’aucun incident extraordinaire vînt changer la position des habitants de la Hutte. Beulah n’était mariée que depuis un an et déjà elle était mère. Tout ce temps s’était écoulé depuis que le fils avait quitté la maison de son père. Nick avait disparu peu de temps après son retour de Boston, et, pendant cet été rempli d’événements, on ne l’avait pas vu, dans la vallée.