Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/147

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haies et les labourages étaient d’une régularité parfaite. Les jardins des cabanes d’alentour, arrangés avec un soin extrême, se trouvaient dignes d’un tel voisinage ; les troncs en avaient été arrachés, les surfaces nivelées ; rien ne nuisait aux charmes que la nature avait si abondamment prodigués en cet endroit.

Pendant que les travailleurs étaient de ce côté, les bestiaux paissaient dans la forêt à une distance de plusieurs milles. Non-seulement la vallée, mais les versants des montagnes adjacentes étaient entrecoupés de sentiers battus par les travaux pendant tout le cours de l’année. Ces sentiers charmaient la vue, et Beulah et Maud venaient s’y promener pendant les chaleurs étouffantes de l’été. Les plaines, d’un aspect aussi beau, étaient moins agréables pour les promenades ; les amateurs du pittoresque cherchaient les éminences d’où ils apercevaient le vaste paysage qui s’étendait sous leurs yeux, ou bien ils s’enfonçaient dans les ravins et dans les vallons que les rayons du soleil pouvaient à peine pénétrer.

Beulah était alors mère depuis plusieurs mois. Son petit Evert était né au Rocher, et il occupait toutes les pensées qui n’étaient pas données à son père absent. Ce mariage avait déjà produit quelques changements dans les rapports des deux jeunes filles, mais la naissance de l’enfant en avait apporté plus encore. Les soins donner à ce petit être faisaient les délices de Beulah, et mistress Willoughby avait pour lui l’intérêt tout particulier qui marque l’amour des grand’mères. Toutes deux passaient la moitié de leur temps dans la nursery, pièce disposée entre leurs chambres respectives, laissant Maud livrée à elle-même et pouvant s’abandonner davantage à ses pensées et à ses sentiments. Ces moments de solitude, notre héroïne s’était accoutumée à les passer dans la forêt. L’habitude l’avait si bien aguerrie, qu’aucune appréhension n’avait jamais abrégé ses promenades, ou diminué le plaisir qu’elle y trouvait. Il n’y avait, du reste, aucun danger à craindre d’ordinaire ; jamais on n’avait vu un étranger s’approcher de la vallée par un autre chemin que par le sentier régulier, et l’on avait fait une chasse si active aux bêtes féroces, qu’on n’en voyait pas dans cette partie du pays. Il n’y avait à redouter, en été, que la panthère, et depuis dix ans aucun de ces animaux, n’avait été rencontré par Nick ou par quelques-uns des nombreux gardes forestiers qui fréquentaient les montagnes voisines.