Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/152

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Quoique Maud eût été soigneusement élevée et qu’elle possédât la délicatesse des femmes de sa classe, elle avait pris quelque chose du feu et de la résolution d’une habitante des frontières. La forêt, par exemple, n’avait pas pour elle de dangers imaginaires. Mais quand il y avait des sujets d’alarme, elle cherchait à s’en tirer avec calme et intelligence. Telle était sa situation actuelle. Elle se rappelait tout ce qu’elle avait appris ou entendu, et elle l’appliquait aux circonstances présentes.

Les hommes de la Hutte eurent bientôt mis le second battant de la porte en état d’être élevé. En ce moment, un Indien traversa la plaine, portant une branche d’arbre dans sa main et la faisant mouvoir rapidement. C’était un parlementaire qui désirait communiquer avec les Faces Pâles. Le capitaine Willoughby alla seul à la rencontre du messager jusqu’au bas de la pelouse, et eut avec lui une conférence de quelques minutes. Maud ne put que conjecturer ; elle voyait l’attitude impérieuse de son père. L’Homme Rouge avait l’air tranquille et calme. C’est tout ce que vit ou crut voir notre héroïne, car au delà elle ne pouvait faire que de vagues suppositions. Comme les deux hommes allaient se séparer et avaient déjà, à cette intention, échangé quelques signes courtois, il s’éleva du milieu des travailleurs un cri qui monta jusqu’au rocher. Le capitaine Willoughby se retourna, et Maud le vit étendre son bras vers la palissade. Le second battant de la porte était placé et se balançait de côté et d’autre comme en triomphe. Le sauvage se retira plus lentement qu’il n’était venu, s’arrêtant de temps en temps pour examiner la Hutte et son système de défense.

Le capitaine Willoughby retourna alors vers ses colons et fut quelque temps à examiner les portes, tout en dirigeant ceux qui les posaient. Oubliant entièrement sa propre situation, Maud versa des larmes de joie, quand elle vit que cet important projet avait été heureusement effectué. La palissade offrait une immense sécurité aux habitants de la Hutte. Quoiqu’on put certainement l’escalader, une telle entreprise demandait de la prudence, du courage, de l’adresse, et ne pouvait que difficilement se faire en plein jour. La nuit même, on aurait le temps de donner l’alarme, et avec une sentinelle vigilante on repousserait tacitement l’ennemi.

Il y avait encore une autre considération : un ennemi ne se hasarderait pas de l’autre côté de la palissade, à moins qu’il n’eût