Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/153

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la certitude d’emporter la citadelle d’autant plus que celle-ci pouvait lui servir de prison dans le cas où il tomberait dans les mains de la garnison. Passer de nouveau sous le feu des meurtrières, serait un exploit si hasardeux que peu d’Indiens voudraient l’entreprendre. Maud avait appris tout ceci en causant avec son père, et elle vit bien que c’était beaucoup que d’avoir élevé les portes. Les charpentes étaient de force à arrêter des balles et pouvaient parfaitement résister à un assaut. Les femmes et les enfants auraient le temps de se retirer dans la cour, en admettant que les assaillants réussissent à escalader les palissades.

Maud jugeait rapidement et bien ; elle comprenait presque tous les mouvements des deux partis, et elle vit qu’il était important pour elle de rester à un endroit d’où elle pouvait observer tout ce qui se passait jusqu’à ce qu’elle se décidât à faire un effort pour regagner la Hutte, à la nuit. Cette nécessité la détermina à rester sur le rocher tant qu’il ferait jour. Elle était surprise qu’on ne la cherchât pas, mais elle attribuait avec raison cette circonstance à l’imprévu de l’alarme et à la foule de pensées qui devaient se presser dans l’esprit de ses amis en ce moment si redoutable. — Je resterai où je suis, pensa Maud un peu fièrement, et je prouverai que si je ne suis pas réellement la fille de Hugh Willoughby, je ne suis pas tout à fait indigne de son affection et de ses soins ; je pourrais même passer la nuit dans la forêt, sans en souffrir.

Au moment où ces pensées se croisaient dans son esprit, une pierre roula d’un sentier au-dessus d’elle, et tomba sur le rocher sur lequel elle était assise. La jeune fille entendit des pas, et son cœur battit violemment. Cependant elle comprit que le plus sûr était de rester parfaitement tranquille. Elle respirait à peine dans la crainte de trahir sa présence. Il se présenta aussi à son esprit l’idée que c’était peut-être un habitant de la Hutte. Mike avait été dans les bois toute cette après-midi, elle le savait, et le courageux garçon aurait été pour elle un trésor dans ce terrible moment. Cette pensée qui domina toutes les autres, dès qu’elle lui fut venue, l’encouragea à s’élancer vers le sentier ; mais tout à coup parut un homme qu’elle ne reconnut pas, vêtu d’une blouse de chasse et portant une petite carabine. À cette vue, elle s’arrêta avec terreur ; d’abord sa présence ne fut pas remarquée ; mais dès que l’étranger l’eut aperçue, il fit un geste de surprise, déposa sa