Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/235

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nombre et la qualité des armes ; on lui avait demandé aussi si elle était bien approvisionnée.

— Vous pouvez être tranquille là-dessus, je leur ai rendu un bon compte, continua l’inspecteur, d’un air satisfait. D’abord je leur ai dit que le capitaine avait avec lui un lieutenant qui avait servi dans la guerre contre la France ; j’ai mis cinquante hommes sous vos ordres, trouvant que c’était aussi facile à dire que trente ou trente-trois. Quant aux armes, je leur ai fait croire que plus de la moitié des fusils étaient à deux coups ; et que le capitaine, en particulier, portait une carabine qui avait tué neuf sauvages en un seul combat.

— Vous vous êtes beaucoup trompé en cela, Joël. Il est vrai que cette carabine a tué une fois un chef célèbre, mais je ne vois pas de raison pour s’en vanter.

— Eh bien, ces neuf hommes ont fait beaucoup d’effet, et les questionneurs m’ont paru encore plus embarrassés quand je leur ai parlé de votre canon.

— De votre Canon, Strides ! Pourquoi vous être aventuré ainsi ? La suite leur montrera bien que tout était exagéré.

— C’est ce que nous verrons, capitaine, c’est ce que nous verrons. Rien ne ralentit le courage des sauvages plus que les canons. Ils nous ont considérés, je crois, tout à fait comme des gens à craindre quand je leur eus raconté une histoire sur ce canon.

— Et quelle est cette histoire, je vous prie ?

— Je leur ai dit que c’était justement le même que vous aviez pris sur les Français, et que tout le monde savait que c’était un redoutable canon qui avait tué plus de cent soldats avant que le capitaine, dans une charge la baïonnette, s’en fût emparé.

C’était là une artificieuse parole, puisqu’elle faisait allusion à l’exploit le plus remarquable de la carrière militaire du capitaine Willoughby, exploit dont il se souvenait avec orgueil. Tous ceux qui le connaissaient l’avaient entendu citer cette aventure, et Joël, comme on le voit, avait su s’en servir adroitement. Ce souvenir en effet endormit, pour le moment au moins, les soupçons qui s’étaient emparés de l’esprit de son supérieur.

— Il n’était pas nécessaire, Strides, de parler aucunement de cette affaire, dit modestement le capitaine, il y a longtemps que c’est arrivé, et on peut bien l’avoir oublié ; et puis, vous le savez, nous n’avons pas de canon pour appuyer votre récit, et l’on recon-