Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/236

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

naîtra bientôt que nous avons voulu cacher notre faiblesse réelle.

— Je demande pardon à Votre Honneur, dit Joyce, je crois que Strides a agi d’une manière toute militaire dans cette affaire. N’est-ce pas selon l’art de la guerre pour les assiégés d’avoir l’air d’être les plus forts ? Les récits militaires ne sont pas paroles d’évangile.

— D’ailleurs, ajouta Joël, je savais que nous avions ici un canon qui ne demande qu’à être monté.

— Je crois comprendre Strides, Votre Honneur, reprit le sergent. J’en ai sculpté un en bois pour armer la grande porte, et le disposer de la même manière que Votre Honneur a vu que cela se faisait dans les garnisons ; eh bien, ce canon est fini et peint, et j’avais l’intention de le monter cette semaine : je suppose que c’est de ce canon que Joël voulait parler.

— Le sergent a raison. On dirait tout à fait un vrai canon, on s’y méprendrait certainement.

— Mais il n’est pas monté ; et quand il le serait, il ne pourrait pas nous être d’un grand secours.

— Une fois le canon monté, je réponds que les Indiens n’oseront pas s’avancer jusqu’ici. Il vaudra une douzaine de sentinelles, répondit Joël. En une heure ou deux, il peut être placé, et à une distance de cent pas, les Indiens le prendront pour un vrai canon.

— Cela est plausible, Votre Honneur, dit Joyce respectueusement, cela montre que le caporal Strides a une idée de la guerre. Si Votre Honneur veut excuser cette liberté, je lui ferai observer que ce pourrait être une bonne idée de placer le canon sur ses jambes et de le braquer à la porte pour tenir en respect ceux qui voudront s’approcher.

Le capitaine réfléchit un moment, puis il dit à l’inspecteur de continuer son récit. Le reste fût bientôt raconté. Joël avait, disait-il, trompé les étrangers si complètement en affectant de ne rien leur cacher, qu’ils le considéraient presque comme un allié, et ne l’avaient pas emprisonné. Il est vrai qu’il avait été mis en surveillance, mais le devoir se faisait avec tant de négligence, qu’il avait trouvé moyen de descendre dans le ravin et de se cacher dans les bois de manière à ne pouvoir être découvert si on tentait de le poursuivre. Faisant ensuite un long détour pendant lequel bien du temps s’était passé, il suivit toute la vallée et parvint à gagner la Hutte, caché par les buissons qui se trouvaient sur les