Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/237

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bords du ruisseau ; c’était précisément la route qu’il avait prise avec Mike quand ils étaient tous deux à la recherche de Maud, le soir de l’arrivée du major. Ce dernier fait, cependant, Joël avait des raisons particulières pour le cacher.

— Vous ne m’avez rien dit de M. Woods, Strides ? dit le capitaine quand Joël eut cessé de parler.

— M. Woods ! Qu’en pourrais-je dire ? Il n’est donc pas ici ?

La manière dont le chapelain avait quitté la Hutte, et sa disparition dans le ravin, furent alors expliquées à l’inspecteur, qui devait avoir quitté le moulin avant l’exploit du digne prêtre. Il y avait une expression sinistre dans les yeux de Joël pendant qu’on lui faisait ce récit, ce qui aurait pu donner l’alarme à des hommes plus soupçonneux que les deux vieux soldats ; mais il eut l’adresse de cacher ce qu’il éprouvait.

— Si M. Woods est tombé entre les mains des Indiens dans son costume de prêtre, répondit l’inspecteur, il n’y a guère à espérer qu’on ne l’ait pas fait prisonnier. Une des charges contre le capitaine, c’est de laisser le chapelain faire régulièrement des prières pour le roi, comme si cela s’accordait avec les sentiments publics.

— Vous avez entendu dire cela par le magistrat dont vous m’avez parlé ? demanda le capitaine.

— Oui, il s’est plaint des prières qu’un ministre faisait pour le roi, quand le pays est en guerre contre lui.

— En cela le révérend M. Woods n’a fait qu’obéir aux ordres, dit le sergent.

— Il n’y a plus d’ordres à suivre, disent-ils, et aucun homme n’est obligé maintenant de prier pour le roi.

— Oui ; on doit se conformer aux ordres des magistrats, peut-être ? Mais le révérend M. Woods est un prêtre, ses supérieurs, à lui, sont dans l’église, et c’est à ceux-là qu’il doit obéir. J’ose dire que si le commandant en chef de l’église donnait l’ordre général de ne pas prier pour le roi George, le révérend M. Woods s’y soumettrait sans scrupule. Mais c’est bien différent quand un juge de paix s’arroge un droit qui n’appartient qu’au clergé ; c’est comme si un capitaine de vaisseau voulait commander à un régiment.

— Pauvre Woods ! s’écria le capitaine. S’il m’avait écouté, il aurait renoncé à ces prières, et nous nous en trouverions mieux